Comment comprendre le Net Zero et ses implications ?
Introduction
Le changement climatique est l’un des sujets les plus en vogue de ce siècle. C’est l’un des plus importants défis auxquels les économies mondiales doivent faire face. Ces dernières années, l’Union Européenne s’est fixée un objectif ambitieux : être climatiquement neutre d’ici 2050. En d’autres termes, elle souhaite devenir une économie à zéro émission nette (Net Zero) de gaz à effet de serre.
Le travail à accomplir est important, raison pour laquelle tant d’entreprises de tous secteurs s’efforcent à atteindre le Net Zero.
Les principaux puits naturels de carbone (sol, forêts et océans) séquestrent environ 9,5 à 11 Gt de CO2 par an. Mais en 2019, les émissions annuelles mondiales ont atteint 38 Gt.
Que cela signifie-t-il concrètement ? Quels sont les enjeux ? Comment les entreprises peuvent-elles s’orienter dans un contexte en constante évolution ? Comment s’y retrouver entre les nouvelles normes, labels et certifications qui apparaissent ? Enfin, comment faire face à la confusion entre certains termes comme Net Zero ou Carbon Neutral ?
Découvrons-en plus sur ce sujet !
I. Les concepts clés à comprendre
Avant d’aller plus loin, il est important de comprendre les termes « Carbon Neutral » et « Net Zero ».
1. Carbon Neutral
Selon le Parlement européen, « la Neutralité Carbone » (Carbon Neutral) se définit par l’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption de ce carbone présent dans l’atmosphère par les puits de carbone. Ce processus d’élimination du dioxyde de carbone, puis son stockage à long terme hors de l’atmosphère, est connu sous le nom de séquestration du carbone.
En d’autres termes, la neutralité carbone ne peut être atteinte que si toutes les émissions mondiales de CO2 sont contrebalancées par la séquestration du carbone.
À cet égard, les entités (publiques et privées) calculent de plus en plus leurs émissions de CO2 dans l’objectif de développer des projets de compensation de leur empreinte carbone. Ce mécanisme aboutit à un équilibre permettant de revendiquer la Neutralité Carbone.
Toutefois, le terme Carbon Neutral ne doit pas être confondu avec le terme Climate Neutral. Le terme Climate Neutral fait référence à une prise en compte plus large des émissions, comprenant d’autres gaz à effet de serre (GES) que le CO2.
Posséder un produit, un service ou une entreprise sans carbone signifierait qu’aucune émission de CO2 n’est produite au cours de son cycle de vie, à travers toute la chaîne de valeur. Il n’existe cependant aucun exemple à ce jour. En effet, la Neutralité n’oblige pas les entreprises à réduire leurs émissions réelles de CO2 ou de GES mais « seulement » à les neutraliser avec des projets de compensation.
2. Net Zero
En octobre 2021, l’initiative Science Based Target (SBTi) a publié une norme pour définir le Net Zero. La SBTi établit un cadre permettant aux entreprises de maintenir leurs activités « conformément aux objectifs sociétaux de climat et de durabilité, et dans les limites biophysiques de la planète ».
Néanmoins, nombreuses sont les entreprises et entités qui n’ont pas attendu cette date pour déjà revendiquer un objectif Net Zero. Cela peut entraîner parfois des divergences entre les définitions. Pour plus de clarté, nous considérerons exclusivement la définition faite par le SBTi dans cet article.
3. Carbon Neutral VS Net Zero
Il existe trois différences majeures entre la Neutralité Carbone et le Net Zero.
En ce qui concerne le Net Zero, la norme fixe une nécessité pour les entreprises de réduire leurs émissions, avec une baisse rapide et importante de 90 à 95 % par rapport à l’année de référence choisie. Ces baisses d’émissions doivent suivre des objectifs à court et long terme, avec des jalons clairs, ambitieux mais atteignables. En revanche, il n’y a pas d’obligation ou de jalons pour la Neutralité Carbone.
De plus, alors que la Neutralité Carbone peut ne couvrir qu’une partie d’une entité, le Net Zero s’applique aux émissions globales de l’entité. Le Net Zero comprend les champs d’application complets 1, 2 et 3 du Greenhouse Gas Protocol Corporate Standard (ces champs d’application sont détaillés plus loin dans l’article).
Enfin, le Net Zero Standard permet de compenser les émissions résiduelles inévitables (les 5 à 10 % d’émissions de CO2 restantes). Les exigences de compensation diffèrent entre la Neutralité Carbone, la Neutralité Climat et la norme Net Zero.
En effet, le SBTi ne considère que les projets de décarbonation par la technologie ou les projets de reboisement arrivés à maturité (>10 ans). En revanche, la Neutralité Carbone/Climat permet de compenser les émissions via des projets d’évitement du carbone. Ce sont des projets qui n’absorbent pas et ne séquestrent pas les GES émis, mais qui permettent d’éviter des émissions supplémentaires de GES.
II. Atteindre le Net Zero au niveau macro
Ainsi, pour lutter contre le changement climatique, il est essentiel de réduire les émissions de CO2 et d’atteindre le Net Zero à l’échelle mondiale.
Pour rester alignés sur l’objectif maintient du réchauffement climatique sous la limite de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris, les pays et les entités gouvernementales du monde entier doivent passer à des économies plus propres et plus résilientes. Le moyen le plus efficace pour atteindre l’objectif Net Zero est de réduire rapidement les émissions des chaînes de valeur.
1. La responsabilité des États et entreprises
Réduire drastiquement les niveaux de CO2 dans l’atmosphère nécessite la mise en place d’actions concrètes des États et des entreprises.
Le secteur de la production d’énergie représentant plus de 50 % des émissions totales des actifs existants, les nations doivent jouer un rôle clé dans cette transition et investir largement dans la production d’énergie propre.
Le contexte de guerre russo-ukrainien a poussé l’UE à investir dans des projets lui permettant de devenir indépendante dans sa production d’énergie, et d’amorcer dans le même temps une transition vers des énergies plus propres. Cela permettra probablement d’atteindre les objectif fixés plus rapidement.
D’autres secteurs doivent également être pris en considération, comme le secteur industriel par exemple (en particulier la chimie, l’acier et le ciment) représentant un tiers des émissions mondiales, et doivent mettre en œuvre des changements profonds dans leurs infrastructures et actifs.
Enfin, pour pouvoir prétendre à une transformation durable de l’économie mondiale, tous les états doivent être impliqués dans cette transition vers le Net Zero. Cependant, les contextes économiques, géopolitiques et les différents niveaux de développement rendent difficile une transition simultanée pour l’ensemble des pays.
Selon le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie « Net Zero by 2050 – A Roadmap for the Global Energy sector », il est évident que la transition Net Zero ne se fera pas au même rythme partout dans le monde. Le groupe d’experts déclare que les pays développés doivent d’abord atteindre le Net Zero, pour ensuite aider les pays en développement à atteindre cet objectif.
2. Un accord commun : l’Accord de Paris
L’Accord de Paris a été adopté par une grande majorité des pays. Ce traité fixe un cadre pour limiter le réchauffement climatique et soutenir les capacités des États en la matière.
Même les grands émetteurs de CO2 comme la Chine ou les États-Unis ont accepté de fournir un effort dans ce sens. Plus de 400 entreprises du classement Forbes Global 2000 ont également franchi des étapes vers le Net Zero.
L’Union Européenne s’est également mise au diapason. La mise en place du système d’échange de quotas d’émission incite les acteurs privés à réduire leurs émissions en imposant une quantité maximale de GES pouvant être émis par certains types d’industries ou par le secteur de l’énergie. Si une entreprise dépasse cette limite, elle devra acheter des quotas d’émission auprès d’entreprises restées en dessous de la quantité autorisée.
3. Des objectifs individuels
Malheureusement, aujourd’hui le Net Zero reste, dans la plupart des cas, une initiative volontaire d’entités qui se fixent elles-mêmes leurs propres objectifs. Par exemple, les différentes parties prenantes de l’Accord de Paris sont libres de déterminer leur façon d’y contribuer. Le coût élevé de la transition et le caractère risqué des investissements nécessaires freinent également les multiples acteurs à entreprendre les changements nécessaires.
Cependant, le Net Zero ne pourra être atteint que par la mise en œuvre d’un élan collectif. L’Accord de Paris en a donné l’impulsion, mais ne suffira pas sans un réel changement dans la façon de concevoir nos économies actuelles. C’est pourtant peu dire que cette transition représente une réelle opportunité. En favorisant le développement des technologies, en promouvant une utilisation efficace des ressources et en inventant de nouveaux procédés à faible émission de carbone, de nombreux emplois pourraient être créés.
III. Atteindre le Net Zero au niveau micro
D’un point de vue microéconomique, les entreprises et entités ont évidemment un rôle à jouer. Comme l’indique la norme Net Zero du STBi, elles doivent agir sur les trois périmètres fixés par le Greenhouse Gas Protocol Corporate Standard pour réduire leurs émissions de GES.
1. Premier périmètre
Le premier périmètre couvre les émissions provenant de sources détenues ou contrôlées par l’entreprise. La mobilité en fait par exemple partie. Les entreprises doivent repenser la question de la mobilité, en mettant en place des politiques encourageant les collaborateurs à favoriser les transports en commun et à limiter leur déplacement (télétravail). Le parc automobile des entreprises doit également transitionner vers des solutions moins polluantes, en changeant par exemple les voitures thermiques par des voitures électriques.
2. Second périmètre
Le second périmètre englobe les émissions indirectes liées à l’énergie achetée. En d’autres termes : électricité, vapeur, chaleur et refroidissement. Pour réduire ces types d’émissions, les entreprises peuvent utiliser de l’électricité renouvelable grâce à leur propre production (installations sur site). Elles peuvent aussi optimiser l’utilisation de l’électricité en adoptant des équipements et des bâtiments ou des technologies économes en énergie pour optimiser les systèmes (capteurs, compteurs intelligents…).
3. Troisième périmètre
Enfin, le troisième périmètre fait référence à toutes les émissions indirectes : les émissions des produits des fournisseurs.
Pour réduire ces émissions, les entreprises peuvent collaborer avec leurs fournisseurs et leurs clients sur différentes solutions. Par exemple, en promouvant le Net Zero dans leur chaîne d’approvisionnement. Le fournisseur se sera alors incité à réduire ses émissions de portée 1, 2 et 3 pour adopter des sources d’énergie plus vertes. A termes, les émissions du produit ou du service acheté seront réduites.
Ces mêmes entreprises peuvent également adopter les principes de l’économie circulaire pour réduire la consommation et les déchets, ou définir des politiques en fonction de leur empreinte carbone. Ce périmètre est généralement plus compliqué à réduire : il est difficile de mesurer l’impact de l’ensemble de la chaîne de valeur et l’impact des différents leviers.
4. Résumé
Il est essentiel que les entreprises, à l’échelle mondiale, déploient un maximum d’efforts pour réduire simultanément leurs émissions de GES incluses dans les trois périmètres du Net Zero. Bien sûr, il serait naïf de penser que toutes les émissions peuvent être évitées. Pour les émissions restantes, les entreprises peuvent aller plus loin grâce aux technologies qui captent, utilisent et stockent le carbone (CGUS) afin d’atteindre leurs objectifs.
L’objectif des technologies de décarbonation est assez clair : éviter le rejet de CO2 dans l’atmosphère.
Le carbone peut être :
- Capté lorsqu’il est émis, avec des membranes ou des solvants, puis réutilisé comme intrant pour d’autres processus. Par exemple, sur des sites industriels, il est possible de capter le CO2 rejeté lors de la production ;
- Stocké en permanence dans des formations géologiques souterraines (aquifères salins et réservoirs de pétrole). Après sa capture, le carbone peut être utilisé par comme intrant pour des matériaux, comme le ciment ou le béton. Cela signifie que le CO2 pourrait être stocké dans les bâtiments ou les routes.
- Réutilisé pour créer des carburants de synthèse en le combinant avec l’hydrogène.
Autant de possibilités que les entreprises pourraient intégrer dans leur processus de production tant ces CGUS jouent un rôle important dans la transition vers une économie Net Zero prospère. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le potentiel de carbone capté pourrait atteindre 840Mt en 2030.
Conclusion
Pour conclure, l’objectif de l’Union Européenne est ambitieux et implique tous les États membres, gouvernements et entreprises.
L’impact de ces mesures est bien plus important que ce que l’on peut imaginer et primordial pour les prochaines générations. Utilisons les avancées technologiques dont nous pouvons bénéficier aujourd’hui pour nous attaquer à cet énorme problème et travaillons ensemble pour un monde meilleur demain.
Abordons cette problématique tous ensemble pour sensibiliser davantage et la rendre encore plus accessible à tous. Travaillons et améliorons le business de demain à notre échelle, car chaque pas est un pas dans la bonne direction.
Sources
[1] https://ec.europa.eu/clima/eu-action/climate-strategies-targets/2050-long-term-strategy_fr
[4] https://sciencebasedtargets.org/net-zero
[5] https://sciencebasedtargets.org/resources/files/Net-Zero-Standard.pdf
[6] https://www.nature.com/articles/s41558-021-01245-w ; https://sciencebasedtargets.org/how-it-works
[7] https://sciencebasedtargets.org/net-zero
[9] https://iea.blob.core.windows.net/assets/deebef5d-0c34-4539-9d0c-10b13d840027/NetZeroby2050-ARoadmapfortheGlobalEnergySector_CORR.pdf ;https://www.marshmclennan.com/insights/publications/2021/february/how-to-finance-industrys-net-zero-transition.html
[12] https://www.nature.com/articles/s41558-021-01245-w
[13] https://www.nature.com/articles/s41558-021-01245-w
[15] https://ghgprotocol.org/sites/default/files/standards_supporting/FAQ.pdf
[16] What is the Difference Between Scope 1, 2 and 3 Emissions? – Compare Your Footprint
[17] Driving CO2 emissions to zero (and beyond) with carbon capture, use, and storage | McKinsey
[18] CCUS in the transition to net-zero emissions – CCUS in Clean Energy Transitions – Analysis – IEA