La communication de crise sur le web
Les 4 phases d’une crise
D’après les analyses de B. Robert et de D.Verpeaux en 1991, une crise est constituée de 4 phases :- La première, appelée « phase préliminaire » est le moment des premiers signaux d’alerte que l’entreprise peut percevoir. Cela peut être :
- une augmentation des plaintes de consommateurs
- davantage de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux
- un article négatif dans les médias conventionnels ou amateurs, etc.

- La deuxième est la phase aiguë. C’est à ce moment précis que le nombre de signaux explose avec une avalanche de commentaires négatifs, de plaintes de clients ou alors le fait qu’une information concernant l’entreprise circule sur la plupart des médias de masse. C’est la phase la plus intense pour l’entreprise, de nombreuses personnes se questionnent, clients comme salariés. Les réseaux sociaux accentuent cet effet boule de neige dû à la facilité de l’accès à l’information. Un tweet peut être vu et partagé plusieurs centaines de milliers de fois en quelques heures. Des groupes peuvent se former contre l’entité. Pour rappeler un dogme connu de tous les marketeurs, un client satisfait le partage à 3 personnes, un insatisfait le dit à 10. Prenons l’exemple de H&M, début 2018 : l’entreprise suédoise est frappée par un bad buzz raciste. En quatre heures, ce sont plus de 13 000 messages qui sont publiés sur Twitter à l’encontre de la marque suédoise en appelant au boycott de la marque.
- Puis vient la phase chronique, le pic de la crise. Tout le monde parle de cette phase, aussi bien les clients, les employés, les médias spécialisés, les médias professionnels… Dans cette période, on peut également remarquer une tendance à la baisse des commentaires négatifs envers l’entreprise.
- La cicatrisation est la dernière phase d’une crise. Cette phase est celle où les traces sont de moins en moins visibles et dont les médias ne font plus écho. Cependant, ce moment est crucial pour l’avenir de l’entreprise : même si on parlera moins de cette crise dans les mois et années à venir, celle-ci sera gravée à jamais dans l’histoire de l’entité. Dans le cas de H&M, après son Bad Buzz début 2018, elle enregistre encore à ce jour plus de 133 000 résultats négatifs sur Google lors d’une recherche web combinant « H&M » et « Racisme ».
Avant de communiquer, bien se préparer aux prochaines crises
Il est très important de se préparer à de futures crises. Le premier travail consiste à recenser toutes les possibilités de crises que l’entreprise peut encourir. Celle-ci peuvent venir aussi bien de l’intérieur de l’entreprise (Lactalis et son lait contaminé en 2017), que des fournisseurs de l’entreprise (ce fut le cas de Findus avec la viande de cheval provenant de l’entreprise Spanghero), que d’un événement extérieur, comme la crise sanitaire du COVID-19). Ce travail de listing pourra également vous permettre de découvrir de potentielles failles au sein de vos systèmes. Une fois le recensement effectué, place à la simulation. Que faire si une crise commence dans une entreprise ? Quelles solutions apporter ? Quelle communication diffuser et par quel canal communiquer ? Comment limiter les impacts de cette crise ? La simulation doit répondre à l’ensemble des questions pour résoudre une crise. L’entreprise doit mettre en place une cellule de crise pour répondre facilement aux futures difficultés. Cette cellule doit être composée de plusieurs personnes. Un animateur qui est le représentant de l’état-major de votre entreprise. Des experts chargés de recueillir et d’analyser le problème. Et le responsable de la communication qui doit fournir des réponses aux clients et aux médias. Cette cellule doit répondre le plus rapidement pour ne pas alimenter les réseaux sociaux en rumeurs.Exemple de la Redoute
La Redoute peut en témoigner : le 4 janvier 2012, lors du début des soldes, des utilisateurs découvrent sur l’une des fiches produits du catalogue enfant qu’un homme nu se trouve en arrière-plan d’une photo. Rapidement, l’information devient virale et fait la une des réseaux sociaux et les principaux médias diffusent l’information. La Redoute réagit rapidement en enlevant la fameuse photo et présentant des excuses pour la gêne occasionnée (Lire l'article). Quelques semaines plus tard, la Redoute publie une vidéo avec la directrice e-commerce de l’entreprise pour profiter du bad buzz et le prendre à contre-pied. Elle lance le jeu "le Cluedo". Ses équipes ont inséré sur le site web de la marque des photos de produits avec des erreurs, de manière volontaire. L’initiative est saluée sur Internet et de nombreuses personnes se sont prises au jeu. L’entreprise a donc, grâce à sa rapidité d’exécution, créé une opportunité pour redorer sa réputation. [caption id="attachment_1071" align="aligncenter" width="648"]
Réagir et communiquer durant une période de crise
La crise éclate et pour de nombreuses entreprises, aucune préparation n’est en place. Il faut donc tout créer rapidement pour pouvoir communiquer. L’entreprise n’a que très peu de temps pour concevoir un plan de communication et ainsi diffuser son message. Le temps devient le pire ennemi de l’entité. Plus l’information tarde, plus les rumeurs et autres sources erronées peuvent littéralement détruire sa réputation. Pour commencer, il faut choisir une stratégie de communication. Trois grandes stratégies peuvent être mises en place :- La première, celle de la reconnaissance où l’entreprise accepte la responsabilité du dysfonctionnement ou de la cause. Cette stratégie se fonde sur le pari que les accusations soient atténuées car l’entreprise reconnaît son erreur et montre de bonne foi son plan pour modifier le problème.
- La deuxième stratégie est celle du détournement. L’entreprise va essayer de déplacer le problème et ainsi détourner l’attention sur le point chaud en abordant la crise sous un nouvel angle.
- Puis vient la stratégie du refus en ne reconnaissant pas la responsabilité de l’entreprise dans cette crise et en ne justifiant pas le problème.
Exemple de Tesla
Il faut donc être extrêmement prudent sur la communication, essayer de comprendre quelles seront les répercussions des messages et comment rassurer au mieux l’opinion de vos clients ainsi que de la population. Ce fut le cas d’Elon Musk, CEO de Tesla, qui après un tweet sulfureux, fait chuter le cours de la bourse de Tesla de 13%. [caption id="attachment_1072" align="aligncenter" width="598"]

Exemple de NARS
L’exemple de NARS résume bien le piège des réseaux sociaux. L’entreprise française de cosmétiques qui revendique depuis les années 2000 de ne pas tester ses produits sur les animaux souhaite en 2017 conquérir le marché chinois. Cependant, tout cosmétique qui veut être commercialisé en Chine doit être impérativement testé sur des animaux, contrainte à laquelle la marque se plie. Quand ce fait est découvert, de nombreux clients hors de la Chine s’alarment sur le non-respect des valeurs de la marque et font savoir leur désarroi sur les réseaux sociaux. Le problème s’aggrave quand l’entreprise met deux jours pour communiquer sur la commercialisation de ses cosmétiques en Chine. En effet, les anciennes clientes de la marque s’insurgent que la société privilégie de réaliser des bénéfices au lieu de continuer son combat contre les tests sur les animaux. La rumeur persiste à montrer que NARS préfère l’argent à ses valeurs en arrêtant son combat contre les tests sur les animaux pour la Chine. Cependant, cette rumeur, comme beaucoup d’autres, est fausse ainsi que l’explique l’entreprise sur un post Instagram. La marque continuera à soutenir la lutte contre les tests sur les animaux, mais ne peut pas transgresser la loi, sachant que la Chine oblige toutes les marques de cosmétiques à tester leurs produits sur les animaux avant de les commercialiser. Seuls les produits destinés au marché chinois seront testés sur des animaux. Cependant, la rumeur que NARS testera à présent « tous ses produits » sur les animaux perdure. L’explication de NARS est intervenue trop longtemps après le début du bad buzz. La rumeur a pris l’ascendant sur l’explication de NARS.Lors d’une crise externe à l’entreprise, semblable à celle du COVID-19, la rapidité est également un enjeu majeur. En effet l’entité doit prendre les devants pour rassurer les clients sur la suite des événements. Cette perturbation va littéralement casser le mode de fonctionnement de l’entreprise et également la routine du client. Ses deux facteurs apportent un lot de frustration au client qui souhaite absolument garder sa routine. Celui-ci va donc, pour pallier son manque, essayer de trouver une alternative à votre service. Le problème est que celui-ci peut adopter cette nouvelle alternative dans le futur et donc laisser votre service à l’abandon.
Informer le client permet de le garder à « chaud » et donc de communiquer rapidement sur les méthodes mises en place pour réactiver votre service. Durant cette crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont communiqué pour garder ce lien avec ses clients. Prenons l’exemple des salles de sports Elancia qui durant cette crise a proposé une multitude de nouveaux contenus pour garder un lien avec ses clients. La salle de sport propose de nombreuses vidéos sur sa chaîne Youtube pour réaliser des exercices simples chez soi.
Le fait de proposer ce type de contenu permet aux adhérents de rester connectés à la firme et de ne pas aller voir chez la concurrence par exemple. Même les services les plus exceptionnels ont souhaité garder un lien avec leur clientèle habituelle. Nous pouvons prendre l’exemple du célèbre restaurant étoilé « La Tour d’Argent » qui, dans un mail, prévient ses anciens clients que le restaurant livre ses plats d’exception à domicile durant cette crise. Un moyen astucieux pour ses établissements d’offrir un moment de douceur à ses habitués.
Les erreurs de communication à éviter lors d'une crise
Dans la précipitation, pour communiquer, l’entreprise peut commettre certaines erreurs qui peuvent nuire davantage et aggraver la situation. Voici trois erreurs souvent faites par des entreprises peu préparées à l’exercice.- Mentir : de nos jours, tout se sait ; une fuite dans les médias, des rapports d’experts qui contredisent la communication de l’entreprise ou un employé qui partage la réalité sur les réseaux sociaux. Une fois le pot aux roses découvert, la réputation de l’entreprise chute énormément envers ses consommateurs, des services publics ainsi que de l’écosystème dont il fait partie. La réputation en berne, l’entreprise peut se voir amputée d'un nouvel investisseur, d’une baisse de la consommation ou même d'une annulation de contrat.
- Se taire : lors de l’explosion de la crise, l’entreprise va souhaiter construire le meilleur plan de communication même si celui-ci prend des semaines à se constituer. Malheureusement, le silence de l’entreprise va permettre à des rumeurs de prendre le pas sur la réalité, et de ce fait, aggraver la situation de la crise. Les médias ont besoin de s’informer afin de fonder leurs articles sur une base existante. Ils pourront donc prendre ces rumeurs comme des informations véridiques et donc diffuser des fake news, aggravant ainsi sérieusement la réputation de l’entreprise. C’est ce qui s’est passé pour l’entreprise NARS, un temps de réponse trop long qui a fait exploser un bad buzz.
- Ignorer vos employés : c’est l’une des erreurs les plus courantes, lors d’une crise la plupart des entreprises se focalisent uniquement sur la communication extérieure. Aucune communication n’est donc réalisée en interne, laissant les employés dans l’ignorance. Durant la crise sanitaire du COVID-19, de nombreux salariés n’avaient aucune visibilité sur ce qu’ils devaient faire. Ce fut le cas des employés d’Amazon : de nombreux caristes ou pickers dans le langage Amazon travaillant dans les entrepôts ne savaient pas quoi faire après l’annonce d’Édouard Phillipe le 15 mars, ce qui a créé une confusion dans les différents services du géant américain. Pourtant les employés sont les premiers diffuseurs d’information de l’entité. Informer clairement et rapidement les salariés va permettre de créer un effet de soulagement ainsi qu'un puissant levier de communication. En effet, les employés vont pouvoir défendre l’entreprise lors de débats avec leurs amis ou bien sur les réseaux sociaux.
Une crise est un événement tragique pour une entreprise. Avec une bonne communication de crise, elle peut s’en sortir sans trop de dommages. À l’inverse, une communication hasardeuse peut complètement détruire une réputation voire condamner l’entreprise à s’enliser dans une crise.
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Sources Livre : LIBAERT, Thierry. La communication de crise. Dunod, 2017. Livre : BOUSSICAUD, Ronan & DUPIN Antoine. La marque face aux bad buzz. Kawa, 2013. Livre : GODIN, Seth. This Is Marketing: You Can't Be Seen Until You Learn to See. Diateino, 2018. FOUCAUD, Xavier. « L'homme nu de La Redoute : comment gérer une crise sur les réseaux sociaux ?». Emarketing.fr. 2012. [consulté le 17/08/20]. Disponible à l’adresse : https://www.e-marketing.fr/Thematique/social-media-1096/Breves/homme-Redoute-comment-gerer-crise-reseaux-sociaux-243886.htm. CIMELIERE, Olivier. « La Redoute rebondit sur le buzz de l'homme nu : une vidéo étrange et surtout risquée». leplus.nouvelobs.com. 2012. [consulté le 17/08/20]. Disponible à l’adresse : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/314774-la-redoute-rebondit-sur-le-buzz-de-l-homme-nu-etrange-et-surtout-risque.html TREVIDIC, Bruno. « Un nouveau Tweet d'Elon Musk fait plonger Tesla en bourse». lesechos. 2020. [consulté le 17/08/20]. Disponible à l’adresse : https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/un-nouveau-tweet-delon-musk-fait-plonger-tesla-en-bourse-1200007 « Coronavirus et confinement : en Auvergne, comment les salles de sport s'adaptent grâce à internet». francetvinfo. 2020. [consulté le 17/08/20]. Disponible à l’adresse : https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/coronavirus-confinement-auvergne-comment-salles-sport-s-adaptent-grace-internet-1803532.html RIZHLAINE, F. « Déconfinement à Paris, le restaurant étoilé La Tour d’Argent en livraison et clic & collect». sortiraparis. 2020. [consulté le 17/08/20]. Disponible à l’adresse : https://www.sortiraparis.com/hotel-restaurant/restaurant/articles/217817-deconfinement-a-paris-le-restaurant-etoile-la-tour-d-argent-en-livraison-et-clic